Le prix du blé se stabilise
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des grains et des oléagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
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Après la baisse des dernières semaines, les prix du blé et de l’orge ont amorcé une correction modérée à la hausse depuis quelques jours, dans un marché toujours marqué par la compétitivité de l’origine russe. À l’inverse, la chute de prix est significative en tourteau de soja, sous l’impulsion de conditions de culture qui s’améliorent en Amérique du Sud.
Blé : stabilisation des prix du blé français
Le prix du blé tendre rendu Rouen termine la semaine à 216 €/t (base juillet), soit exactement au même niveau que la semaine dernière. Le blé rendu La Pallice, quant à lui, a même connu une légère progression de 0,5 €/t, pour atteindre 217 €/t. Au début de la semaine, l’annonce du report d’un mois des expéditions vers la Chine (maintenant prévues entre janvier et mars, et non plus à partir de décembre), ainsi que la montée de l’euro face au dollar, avait amené les prix français à leurs plus bas niveaux depuis deux ans.
L’échéance de décembre d’Euronext a d’ailleurs enregistré le repli le plus marqué. La tendance s’est inversée au milieu de la semaine, les intempéries en mer Noire rendant les chargements de blé russe très compliqués. Cette situation pourrait inciter les acheteurs à s’orienter à court terme vers les origines européennes, et ce, malgré une stabilisation des prix russes à 227,5 €/t Fob Novorossiysk (11,5 % de protéines).
Cependant, le blé français Fob Rouen s’affiche à 246 $/t, soit encore très nettement au-dessus du blé russe. La petite reprise des prix au milieu de la semaine est accentuée avec l’annonce par l’Office national des céréales du Maroc (ONICL), de la prolongation du programme d’importation marocain, dont l’échéance initialement prévue en décembre est reportée à avril.
Ce programme, qui consiste en des subventions publiques pour l’importation de 2,5 millions de tonnes de blé tendre, devrait permettre l’accélération des importations marocaines qui sont actuellement en retard par rapport aux prévisions. Le pays qui fait face à deux années consécutives de mauvaises récoltes a, en effet, un besoin d’importation conséquent. Le Maroc a d’ailleurs profité de la baisse des cours français cette semaine en achetant entre 120 000 de 150 000 tonnes pour livraison en décembre. Du côté des États-Unis, les prix ont été soutenus par de nouvelles ventes à la Chine ces derniers jours.
En ce qui concerne la récolte de 2024, les semis français progressent par rapport à la semaine dernière, de 74 % à 83 %, mais affichent toujours un retard important. L’année dernière, à la même période, les semis étaient quasi finis.
Orge : hausse de prix
Le prix de l’orge fourragère française rendu Rouen a grimpé de 6,5 €/t en une semaine et s’affiche à 196 €/t (base juillet). Les cours de l’orge ont suivi ceux du blé dans un mouvement ascendant ces derniers jours, après un récent gain de compétitivité et donc de potentielle reprise de la demande. En outre, la mauvaise météorologie en mer Noire a engendré un ralentissement important des exportations russes d’orge en novembre (–44 % par rapport à octobre).
Ce ralentissement, s’il se poursuit, pourrait conduire à un report de la demande sur d’autres origines, dont la France. À cela s’ajoute l’annonce du gouvernement russe qui souhaite établir un ban des exportations de céréales si les stocks du pays atteignent moins de 10 millions de tonnes. Malgré ces éléments, les exportations françaises ont chuté de 20 % en un mois vers la Chine, seule destination dynamique pour la France depuis le début de la campagne.
Par ailleurs, l’orge russe Fob Novorossiysk reste stable depuis le 20 octobre, à 172,50 $/t. Le CPT Reni ukrainien reste également stable, à 137,50 $/t, malgré une intensification des expéditions d’orge via le corridor maritime mis en place unilatéralement par l’Ukraine (+82 % entre octobre et novembre).
Du côté de la production de 2024, les semis français d’orge d’hiver affichent toujours un retard significatif, principalement à l’ouest. Ils atteignaient ainsi 92 % au 27 novembre. Les parcelles semées tardivement courent le risque de voir leur potentiel de rendement amoindri, alors que la fenêtre de semis est maintenant fermée.
Dans le secteur brassicole, les prix ont été plutôt stables tandis que les récoltes argentine et australienne arrivent sur le marché. L’orge d’hiver Fob Creil continue son mouvement de baisse depuis le 10 novembre et recule légèrement de 2 €/t en une semaine, à 208 €/t, son niveau le plus bas depuis août 2021. En revanche, l’orge brassicole de printemps Fob Creil augmente de 2 €/t, à 295 €/t. La prime de printemps reste toujours très élevée.
Hausse des cours du colza
Cette semaine, les prix du colza ont augmenté, entre 11 et 14 €/t, sur les échéances de février et mai 2024 d'Euronext, et s’établissent à respectivement 451 €/t et 452 €/t.
Les cours européens ont notamment été soutenus par les prix du canola canadien. Tandis que les agriculteurs limitent leurs ventes, la demande intérieure est très soutenue, boostée par les bonnes marges industrielles. La trituration du mois d’octobre a en effet atteint un niveau record (selon les données publiées par Statcan cette semaine). Ainsi entre juillet et septembre, la demande industrielle au Canada a augmenté de près de 20 % par rapport à la même période l’an passé.
L’huile de palme a également apporté du soutien au prix du colza. En effet, les exportations malaisiennes se sont finalement avérées plus importantes que prévu, notamment sur la fin de novembre. Par ailleurs, alors que la production devrait ralentir dans les prochaines semaines (baisse saisonnière), le marché s’attend également à une production moindre cet été. La sécheresse provoquée par le phénomène El Niño pourrait impacter les rendements des palmiers, encore plus si l’on tient compte du vieillissement des palmeraies.
Enfin cette semaine, les actualités concernant le pétrole ont également participé au soutien des cours du colza. Les cours de l’or noir ont notamment augmenté à l’approche de la réunion entre les pays de l’Opep +, le marché craignant de nouvelles coupes de production. Jeudi, cette réunion a effectivement débouché sur de nouvelles réductions de production.
Tourteaux de soja : forte baisse des prix
Après les fortes hausses enregistrées ces dernières semaines, les cours du tourteau de soja ont chuté. En effet, la semaine a été marquée par une nette baisse des prix de ce tourteau sur le marché français, mais aussi au niveau mondial. La correction à la hausse ce jeudi n’a pas compensé la chute du début de la semaine.
Ainsi, sur le rapproché, le prix français a perdu environ 50 €/t. Les prix mondiaux ont encore plus reculé, chutant de près de 80 $/t pour l’origine américaine et 60 $/t pour le fob argentin. La semaine a pourtant commencé sur une note plutôt soutenue de la part du Brésil, où les conditions climatiques restaient préoccupantes, entrainant des réductions dans les prévisions de production de soja brésilien sur la nouvelle campagne.
Cette situation laisse présager de meilleures perspectives de demande pour l’origine américiane sur les prochains mois, surtout en cas de retard des moissons en Amérique du Sud. Toutefois, même si la prévision de la production de soja au Brésil venait à se réduire d’environ 20 Mt, par rapport aux niveaux estimés actuellement, elle resterait supérieure à la moyenne quinquennale.
Les prix de la fève sont globalement en légère baisse, encore plus avec l’annonce de bonnes précipitations et des températures moins élevées au Brésil, pour les deux prochaines semaines. Par ailleurs, les perspectives prometteuses de production de soja et en conséquence de tourteaux, en Argentine, qui en est le premier exportateur mondial, ont également fait pression sur les cours.
Finalement, les prix élevés du tourteau de soja l’ont rendu peu compétitif face aux céréales et aux autres tourteaux concurrents, freinant la demande des fabricants d’aliments.
À suivre : conditions des cultures d’hiver en Europe et en mer Noire, avancée des récoltes en Australie et en Argentine (céréales, colza), conditions de culture en Amérique du Sud pour le soja et le maïs, situation géopolitique en mer Noire, prix du pétrole, conjoncture économique mondiale, parité euro/dollar.
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